Restitution d’une expérimentation réalisée sur le site de La Bouillonnante
« Parfois on manipule directement un matériau donné sans recourir à aucun outil. Dans ces cas-là, la gravité devient une donnée aussi importante que l’espace. De la focalisation sur la matière et sur la gravité, en tant que moyens, résulte des formes qui n’ont pas été prévues. Les considérations de catégorisations sont nécessairement fortuites, imprécises et non mises en évidence. Empilements aléatoires, superpositions chancelantes et suspensions confèrent au matériau sa forme éphémère. »
Peter FISCHLI & David WEISS, Rétrospective : FLEURS et Questions, Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, édition : Paris Musées 2007
Dans le cadre des ateliers de pratiques artistiques, ce programme offre aux étudiant.es de 2e année, l’opportunité d’expérimenter des gestes et des situations de constructions, d’élévations élémentaires, d’assemblages et d’installations. L’atelier a été accueilli ce semestre au sein du tiers-lieuLa Bouillonnante à Toulouse, cet ancien bureau de France Telecom / Orange aujourd’hui investi par des associations de l’économie sociale et solidaire (ESS), porteur d’une histoire architecturale et d’un engagement collectif, et a permis d’aborder des questions essentielles liées au réemploi, à l’adaptation aux lieux et à la création in situ.
A partir de références artistiques contemporaines, depuis les ready-mades de Marcel Duchamp, les équilibres précaires de Fischli & Weiss, les totems colorés de Ugo Rondinone (Seven Magic Mountains), ou encore les sculptures instables de Bridget Polk (Équilibres au bord des mondes), les étudiants ont pu expérimenter une relation à l’éphémère dans des actions de collectes, de stabilités et de déplacements des matériaux. Le processus de travail s’est articulé autour du glanage de « matières premières » trouvées directement sur le site. Chaque étudiant.e a collecté, déplacé et assemblé des éléments issus du lieu, avant de les redéposer, dans une logique circulaire où l’acte de construire et de déconstruire participe à une réflexion sur l’empreinte et le passage. Cette expérience sensible et immersive a permis aux participant.es de s’approprier ces espaces en mutation et de proposer des installations et sculptures éphémères en dialoguent avec le site et ses habitant.es.
La vision d’Agnès Varda dans son documentaire Les glaneurs et la glaneuse a également constitué un appui théorique essentiel, mettant en perspective les pratiques du réemploi, du recyclage et du regard porté sur l’objet délaissé. L’enjeu de ce projet était ainsi double : d’une part, expérimenter physiquement et concrètement les gestes fondamentaux de la sculpture, de la construction par l’élévation ; d’autre part, interroger la manière dont un espace peut être réinventé à travers l’action artistique. L’écologie de ces pratiques repose sur une éthique forte : fabriquer sans coût, ne laisser aucune trace permanente et proposer une alternative à la consommation de matériaux neufs.
En investissant un lieu non dédié à l’art et en travaillant à partir de ce qui existe déjà, les étudiant.es ont développé une approche sensible de la matière et du contexte, tout en expérimentant un équilibre entre intention et improvisation. LES ELEVATIONS ELEMENTAIRES posent ainsi cette question essentielle : comment retrouver un équilibre entre l’acte de créer, de construire, de fabriquer et le respect de l’environnement dans lequel on intervient ?
A voir à partir du 10 avril 2025, dans le Corridor d'entrée de l'Ensa, du lundi au vendredi de 8h à 19h, hors vacances scolaires et jours fériés.